
05 janvier 2022
Quand l’art culinaire rencontre le texte biblique, cela donne A table avec la Bible, un livre de recettes pas comme les autres signé Jean Luc Gadreau paru aux éditions Bibli’O… L’auteur et cuisinier en chef de cet ouvrage est interviewé dans le Journal de la Bible.
On vous connaissait déjà Jean-Luc bien des casquettes, celles entre autres de pasteur, artiste, musicien, écrivain, homme de radio sur France Culture, également critique cinéma, mais on était loin de se douter que vous alliez aussi revêtir la toque du chef ! Et pourtant, la cuisine et vous, c’est une histoire ancienne je crois…
A vrai dire, au départ je n'imaginais pas écrire un livre de cuisine un jour. Mais pourtant, c'est vrai que la cuisine est quelque chose qui fait partie de ma vie à des degrés divers. Au départ cela a commencé dans la cuisine familiale avec ma maman Claudine, une maman d'origine italienne qui est née en Bourgogne, avec ce mélange donc de cultures et puis beaucoup de générosité. La cuisine était quelque chose d'important dans la maison et j'ai grandi à côté d'elle. Elle m'a initié donc naturellement. Au départ, ce fut plus les gâteaux - souvent comme cela se passe avec les enfants. Et puis après, il y a eu un vrai creux où j'étais en capacité de cuisiner s'il le fallait mais ce n'était pas la chose qui m'occupait principalement. Jusqu'au moment où pour des raisons internes à la maison, mon épouse a pris un travail qui l'occupait beaucoup. Ensuite, elle a été frappée d'une maladie qui m'a obligé à prendre le relais davantage sur ces aspects, notamment pour préparer les repas avec notre fille qui était encore à la maison et j'y ai pris beaucoup de goût. Et plus que même du plaisir, ce fut un vrai lieu où j'ai pu me déconnecter du quotidien, de tout ce que je faisais. Me rendre compte que c'était des moments aussi, en me déconnectant du reste, de connexion avec Dieu. Et puis alors bon je suis un gourmand en plus donc je me suis fait plaisir et je me suis mis à cuisiner de bons petits plats.
À table avec la Bible n'est pas seulement un livre de cuisine, c'est un voyage à la découverte du texte biblique à travers les émotions qu'il suscite, comme un bon plat fait naître en nous la joie et le réconfort. » peut-on lire sur la 4ème de couverture ! Alors, Jean-Luc Gadreau, lier texte de la Bible, recette de cuisine et émotion, voilà un concept assez unique. Comment en est venue l’inspiration ?
C'est vrai, j'expliquais, je me suis mis à cuisiner à la maison ; et donc étant aussi beaucoup sur les réseaux sociaux par mon travail de communicant, à la fois auparavant de pasteur mais après de communicant, j'ai naturellement publié aussi des photos de mes plats. Les gens trouvaient cela joli. Cela leur donnait envie et ils ont commencé à me dire : « Mais écris-nous un livre. » Et puis je me sentais pas légitime. Je suis pas un chef, juste un cuisinier qui aime faire cela et qui prend du plaisir à le faire. Donc voilà, j'ai réfléchi et au début c'était non. Cela n'avait pas de sens pour moi jusqu'au jour où dans une discussion avec des amis, on parlait des émotions. Et moi, je suis quelqu'un qui aime l'émotion ; pour moi c'est vraiment quelque chose d'important à considérer. Donc, je défendais cette idée de l'émotion de ce qu'elle pouvait nourrir en nous et le terme est approprié. D'ailleurs, nourrir en nous à un moment donné cela a fait tilt et j'ai fait cette association cuisine/émotion. La Bible est venue par-dessus se greffer. J’en ai parlé avec celui qui est devenu mon éditeur Jonathan Boulet avec l'Alliance biblique et les éditions Biblio qui lui, a trouvé l'idée absolument géniale et donc il m'a encouragé. Le concept est né, celui d'un fil conducteur : l'émotion et autour la Bible et la cuisine. Face à chaque livre de la Bible, je propose une émotion - la mienne très subjective alors. Quand je dis la mienne, c'est la mienne à un moment donné d'ailleurs, puisque nos émotions bougent constamment en nous en fonction du moment, en fonction des circonstances, en fonction de tas de paramètres. Les lecteurs peuvent d'ailleurs s'amuser à proposer la leur face à ce même livre ; et puis face à ce livre biblique, cette émotion, une recette de cuisine qui à ce moment-là me déclenche plus ou moins les mêmes états d'âme intérieure. Et voilà, et donc on a une association livre de la Bible/cuisine/recettes et émotions. Et puis je dis cuisine parce qu'il y a une recette, mais il y a aussi tout un menu qui se compose autour avec des experts qui m'ont conseillé et qui ont proposé donc vin, fromage, dessert.
Justement, Jean-Luc Gadreau auriez-vous quelques exemples pour illustrer cette association livre biblique - émotion et recette ?
Je peux donner quelques exemples. Quand on ouvre le livre, la première recette va naturellement avec le livre de la Genèse, premier livre de la Bible. La Genèse, la création, Dieu qui prend aussi du plaisir - on le voit - à créer. Il observe et il trouve cela bon. C'est très intéressant d'ailleurs de le rattacher à la cuisine alors et donc c'est l'euphorie qui vient comme émotion face à ce livre de la Genèse. Et pour le plat, un couscous terre-mer. Alors, terre-mer parce qu'on est dans la création, la terre, la mer, donc poisson et viande viennent s'ajouter dans ce couscous. Et puis l'euphorie, parce que c'est, je crois, l'un de mes plats préférés, c'est un plat référence en tout cas pour moi. Et donc, à chaque fois que je vois un couscous à la carte d'un restaurant, je ne peux pas m'empêcher de ne pas le prendre et puis de régulièrement le faire aussi à la maison. Et puis, je vais donner un autre exemple aussi dans le début du livre. Un exemple intéressant parce qu'il nous entraîne sur d'autres types d'émotions. Alors c'est à la page 18 du livre A table avec la Bible. C'est un risotto à l'encre de sèche avec du pesto et des coques. Pour le groupe de livres Lévitique, Nombre, Deutéronome et l'inconfort comme émotion. Ce sont des livres un peu compliqués, un peu durs où les règles de la loi se mettent en place. Enfin, il y a le dénombrement aussi. On peut se sentir un peu inconfortable face à des textes comme cela. D'ailleurs, ce ne sont généralement pas des livres vers lesquels on va naturellement se plonger et prendre là encore de la joie, du bonheur à les lire. En tout cas pour moi, ce n'est pas naturellement vers là que j'ai envie d'aller. Mais pourtant, c'est intéressant. Il y a des choses très riches dedans. C'est un peu comme ce risotto à l'encre de sèche avec du pesto et des coques. Pas très agréable à la vue, mais tellement bon, je vous assure. Testez et vous m'en donnerez des nouvelles.
Parmi les 40 recettes que vous nous proposez Jean-Luc Gadreau, il y en a une d’après nos sources qui est particulièrement chère à vos papilles et dont le verset biblique associé est lui cher à votre cœur… Vous nous en dites quelques mots ?
Oui, alors là, c'est d'abord le verset parce qu'à chaque fois qu'on me demande si j'ai un verset un peu favori dans la Bible, c'est compliqué comme question parce qu'il y a tellement de choses qui sont merveilleuses dans le texte biblique. Mais moi, j'ai quand même un passage qui me touche tout particulièrement. C'est dans l'Ancien Testament, le livre de Michée, chapitre 6 verset 8 : On t'a fait connaître, Ô homme ce qui est bien, ce que l'Éternel attend de toi. Pratiquer la justice, aimer ce qui est bon et marcher humblement avec Dieu. Pour moi, c'est un texte de référence. Déjà, parce que cela commence par « On t'a fait connaître, Ô homme ce qui est bien, ce que l'Éternel attend de toi. » Avoir un texte qui nous donne quelque part la clé de ce que Dieu attend de nous, cela ne peut être que particulièrement riche. Et puis derrière, finalement, des axes de vie. Pas des choses si compliquées à faire que cela, pourrait-on dire, à première vue. Après, quand on réfléchit, qu’on observe d'un peu plus près tout cela, on se rend compte que cela nous entraîne sur des voies extrêmement riches de conséquences. Mais à la base, c'est à la portée de tout le monde. Et cela, je trouve cela très intéressant. Il n'y a pas besoin d'être un super héros pour faire ce que l'Éternel attend de nous. Alors face à ce texte, moi je me ressens serein. C'est la sérénité qui arrive. Serein face à quelque chose qui est à ma portée, me semble-t-il, même si c'est encore riche de conséquences. J'aime un Dieu qui me propose des choses qui sont à ma portée. Et alors le plat, c'est la blanquette de veau à l'ancienne, parce que c'est un plat qui m'évoque instantanément ce que je décris ici de la sérénité, équilibre, douceur, onctuosité, satisfaction promise à chaque bouchée.
Comme on aime partager un bon plat, vous avez aimé partager cette aventure culinaire avec une fine équipe, la “crème de la crème” pour rester dans le thème… alors dites-nous Jean-Luc, qui a mis la table avec vous ?
Oui, globalement dans ma vie, moi j'aime bien travailler en équipe. Quand j'étais pasteur dans une église, j'aimais être entouré, avoir une équipe qui fonctionne avec moi. Au football, c'est pareil, moi j'aime plutôt bien les sports d'équipe. En musique, même si je peux faire des choses en solo, je préfère jouer avec un groupe. Et il y a des choses qui se passent toujours autrement quand on est à plusieurs. Et bien pour ce livre, je ne voulais pas être le seul à proposer une recette, mais donc je me suis fait accompagner de trois experts. Il y a un expert vin, François Moutot, qui a travaillé toute sa vie autour du vin. Ludovic Bisot, meilleur ouvrier de France fromager, qui a une magnifique boutique à Rambouillet et qui vient de sortir d'ailleurs lui aussi un livre, l'Encyclopédie du fromage chez Hachette, un très très beau livre que je recommande d'ailleurs. Donc, Ludovic m'a fait la proposition des fromages. Il est pour la petite histoire marié avec une pasteur, la pasteur de Rambouillet, Mathilde Soriano Bisot. Et puis, pour les desserts, je n'ai pas cherché très loin puisque je me suis naturellement tourné vers mon petit-neveu, le fils de ma nièce, Lücas Spinelli, meilleur apprenti de France pâtissier, vice-champion d'Europe de pâtisserie, qui vient d'ouvrir lui aussi une boutique en région parisienne. Donc voilà, une fine équipe comme vous dites.
Pour un menu de Noël, temps de réjouissance et de grands repas de fête…. Avez-vous quelques recommandations de recettes à partager avec nos auditeurs qui hésitent encore pour leurs menus ? Avec, bien sûr, un passage biblique qui pourrait accompagner le repas.
Mais oui, alors c'est vrai que dans le livre, les recettes ne sont pas associées à des moments particuliers du calendrier, mais certaines vont très bien pour des moments de fêtes. Moi je pense à ce qu'on trouve à la page 39 du livre pour parler des psaumes. Les psaumes pour un repas de Noël, cela peut être intéressant de nous replonger dans certains de ces textes poétiques, profondément riches de sens, pas toujours très très joyeux pour certains, mais où il y a toujours la possibilité d'élever son âme et de se tourner vers Dieu.
Alors face à ces psaumes, c'est le ravissement que je propose comme émotion. Et puis pour aller avec le ravissement, une recette de coquilles Saint Jacques au champagne et à la vanille avec un crémeux de maïs, autour un très très bon vin blanc, un chardonnay riche, c'est le Ladois blanc. Vous pouvez y associer aussi un soufflé de pommes de terre façon parmentier, en fromage du Brillat-Savarin. Et puis, Lücas proposait une tarte au citron meringuée. Alors pour la période de Noël, peut-être ce dessert peut même prendre la forme d'une bûche aux agrumes ou d'une omelette norvégienne dans laquelle la glace sera justement au citron ou à l'orange avec du grand marnier. Enfin bon voilà, il y a plein de possibilités. J'en profite d'ailleurs pour dire qu'à la page suivante, c'est le psaume 23 que j'ai mis en avant avec la confiance comme thématique et des cuisses de grenouilles frites flambées au whisky, tourbées, persillades et pommes de terre grenailles aux salicornes. Ça aussi cela peut faire un très très bon plat peut-être pour le lendemain, pour le jour de Noël si vous avez fait l'autre au réveillon.
Puisque la Bible s’invite à table Jean-Luc, on a pensé à une petite dernière question pour vous : dans l’Ancien comme le Nouveau Testament, on assiste à plusieurs scènes de repas, d’Abraham sous les chênes de Mamré au repas de la Pâques partagé par Jésus et ses disciples, en passant par le festin de Belschatsar, ou encore l’invitation à manger de Simon le Pharisien : est-ce qu’il y en a un en particulier qui vous a marqué et pourquoi ?
Dans l'introduction du livre en fait, je parle justement, à la fois du principe qui guide l'écriture du livre mais aussi de cette présence absolument phénoménale des repas. Dans la Bible, il y a tous ceux très précisément décrits et puis il y a tous ceux qu'on peut imaginer avec à chaque fois en fait des choses qui se produisent. Il y a des conséquences à ces repas de la Bible de toutes sortes. Vous en avez évoqué là quelques-uns, mais je pense par exemple à David qui accueille à sa table Mephibosheth, qui est porteur d'un handicap et qui se retrouve sous les conséquences d'une forme de malédiction familiale. Relisez toute cette histoire. Elle est magnifique et finalement, David va inviter Mephibosheth, et faire de lui un invité permanent à sa table. J'aurais bien aimé pouvoir moi aussi venir à la table de David, cela devait être assez chouette. Et puis là, il y a une belle histoire en plus qui se produit. Je pense à toutes les rencontres de Jésus aussi qui rentrent dans la maison et où l'on mange forcément. Et puis il y a un repas fictif qui me touche vraiment beaucoup, c'est celui raconté par Jésus comme une histoire, une parabole, celle du fils prodigue. Et ce repas devait quand même être rempli d'émotions, d'émotions diverses avec cet autre frère qui vit mal la chose et puis ce père qui accueille. Et puis, on peut imaginer, puisque l'histoire ne se finit pas, que ce père va continuer à faire du lien avec les deux fils peut-être autour du repas, que le pardon va pouvoir être exprimé de part et d'autre. Donc voilà, c'est peut-être ce repas là que je choisirais. Et puis, je voulais aussi peut-être, pour finir, mentionner le verset qui est à la fin de mon livre parce que c'est le repas qui nous est proposé à tous, c'est celui d'une rencontre avec le Christ : Écoute je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je prendrai un repas avec lui et lui avec moi. C'est dans l'Apocalypse au chapitre 3, le verset 20. Donc voilà, c'est peut-être celui-là le plus beau repas, celui que nous pouvons tous prendre avec Jésus dans notre histoire propre et personnelle.
A table avec la Bible, Jean-Luc Gadreau (Editions Biblio)
Découvrez l’interview originale dans le Journal de la Bible